Un rapport remis à Matignon qui relance le débat
Remis à Matignon le jeudi 23 octobre par les députés Yannick Monnet (Parti communiste, Allier) et Jean‑François Rousset (Renaissance, Aveyron), un rapport consacré aux dépassements d’honoraires promet d’alimenter les discussions autour du projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS). Parmi les médecins libéraux, déjà préoccupés par les mesures d’économies inscrites dans ce texte, le document suscite une attention particulière et le risque de vives réactions.
Le rapport intervient dans un contexte où la question des dépassements, longtemps peu présente dans le débat public, a gagné en visibilité. La coïncidence temporelle avec l’examen du PLFSS renforce sa portée politique et sociale : il tombe alors que l’accès aux soins figure parmi les principales préoccupations en matière de santé.
Définitions : secteur 1, secteur 2, « espace de liberté tarifaire »
Pour comprendre l’enjeu, il convient de rappeler la différence entre les deux principaux rattachements tarifaires des médecins libéraux. Le secteur 1 correspond au tarif conventionnel, opposable : le praticien s’engage à facturer les tarifs fixés par la convention avec l’assurance maladie. Le secteur 2, qualifié dans le rapport d’« espace de liberté tarifaire », autorise des suppléments d’honoraires au‑delà du tarif opposable.
Ces suppléments peuvent prendre des formes variées et dépendent des spécialités, des lieux d’exercice et des choix individuels des praticiens. Le recours au secteur 2 laisse une marge de manœuvre tarifaire pour le médecin, mais soulève des questions sur l’équité d’accès aux soins pour les patients qui ne peuvent pas assumer des dépassements importants.
Une progression marquée depuis la sortie de la crise sanitaire
Le rapport note une progression du recours au secteur 2 depuis la sortie de la crise du Covid. Il indique que, en 2024, 56 % des médecins spécialistes exerçaient en secteur 2, contre 37 % en 2000. Ces chiffres mettent en évidence une évolution structurelle du paysage médical libéral sur plusieurs décennies.
La montée de la part de spécialistes en secteur 2 éclaire une transformation des pratiques et des modèles de revenus dans la médecine libérale. Elle invite aussi à interroger l’impact de cette évolution sur les parcours de soins, en particulier pour les patients les plus fragiles ou les plus éloignés des grandes villes.
Enjeux pour l’accès aux soins et tensions attendues
L’augmentation des dépassements potentiels est perçue comme un facteur aggravant des difficultés d’accès aux soins. Lorsqu’une part significative des spécialistes facture en dehors du tarif opposable, certains patients peuvent différer ou renoncer à des consultations ou des examens. Cette réalité coïncide, selon le rapport, avec une inquiétude plus large sur la capacité du système à garantir une offre médicale accessible et équilibrée sur le territoire.
Par ailleurs, la publication du rapport au moment où le PLFSS prévoit des mesures d’économies risque d’intensifier le débat entre le monde médical libéral et les autorités. Les médecins peuvent voir dans des restrictions budgétaires une menace pour leurs conditions d’exercice, tandis que les pouvoirs publics cherchent à contenir les dépenses et à préserver l’accès pour les assurés sociaux.
Hypothèses et questions ouvertes
Le rapport n’impose pas de conclusions définitives sur les causes exactes de la hausse du secteur 2, mais plusieurs hypothèses circulent. Sont évoquées, sans qu’elles ne soient toutes validées de manière exhaustive dans le texte, la pression financière sur les cabinets, la nécessité de compenser des charges accrues, la recherche d’une rémunération complémentaire pour certaines spécialités, ou encore des effets liés à l’organisation territoriale des soins.
Ces pistes constituent des points d’analyse possibles mais requièrent des investigations complémentaires pour être confirmées. Le rapport, en attirant l’attention sur l’ampleur du phénomène, ouvre la porte à des propositions de régulation, à des négociations conventionnelles ou à des mesures d’accompagnement ciblées — options qui seront discutées dans les semaines et mois à venir.
En l’état, le document joue surtout un rôle de révélateur : il met en lumière une tendance et invite décideurs, professionnels de santé et assurés à confronter leurs diagnostics et leurs priorités, sans préjuger des solutions qui seront retenues.