Depuis le 5 août et jusqu’à ce vendredi soir, les délégations de 184 pays se réunissent à Genève sous l’égide de l’ONU pour une session cruciale, baptisée « INC‑5.2 ». Objectif affiché : s’accorder sur un traité mondial destiné à lutter contre la pollution plastique, un fléau dont les conséquences sur la biodiversité terrestre et marine et sur la santé humaine sont régulièrement mises en avant par les protagonistes.
Une urgence environnementale martelée
Le dossier est présenté par les négociateurs comme un enjeu majeur. Chaque année, « 10 millions de tonnes de déchets plastiques sont rejetés dans les océans – soit l’équivalent d’un camion‑poubelle déversé chaque minute », rappellent-ils. Face à ce constat, la commissaire européenne chargée de l’Environnement, de la Résilience de l’eau et d’une Économie circulaire compétitive, Jessika Roswall, a exhorté, le 12 août, « toutes les parties à être constructives et orientées vers les résultats ». « C’est maintenant que nous avons besoin d’un traité. Mais pas à n’importe quel prix », a‑t‑elle insisté.
Les attentes sont fortes : au‑delà de la prévention des rejets dans le milieu marin, l’enjeu est de définir des engagements contraignants à l’échelle mondiale qui puissent réduire significativement la production, la consommation et la dispersion des polymères plastiques.
Texte rejeté et désaccords profonds
Hier, un projet de traité soumis en assemblée plénière a été immédiatement rejeté par plusieurs pays et vivement critiqué par des organisations non gouvernementales. Le texte, rédigé par le président des débats, l’Équatorien Luis Vayas Valdivieso, a été qualifié « d’inacceptable » par les délégués de la Colombie, du Chili et du Panama, ainsi que par des représentants de l’Union européenne.
Greenpeace est allé plus loin dans ses commentaires, dénonçant selon le compte rendu consulté un « cadeau à l’industrie pétrochimique et une trahison de l’humanité ». Selon la même source, le projet ne comportait notamment aucune référence à des contraintes sur la production de plastique vierge, ce qui a choqué une partie des délégations et des ONG.
Un seul grand État, l’Inde, a finalement accepté que ce texte serve de base de discussion. Mais la résistance est vive : un groupe de pays producteurs de pétrole refuse toute limitation à la fabrication de plastique dérivé du pétrole et rejette l’idée d’une interdiction mondiale de substances jugées nocives. Ces États plaident pour un traité axé sur une meilleure gestion des déchets et une amélioration des taux de réutilisation et de recyclage.
La polarisation des positions traduit la difficulté à concilier intérêts économiques, industries nationales et impératifs environnementaux dans un instrument juridique global.
Un processus de longue haleine
La dynamique actuelle s’inscrit dans un processus engagé depuis la résolution des Nations unies de 2022. Depuis près de trois ans, les dirigeants les plus volontaristes tentent d’élaborer un texte juridiquement contraignant couvrant l’ensemble des milieux, y compris le milieu marin.
Fin décembre 2024, 170 États s’étaient déjà réunis à Busan (Corée du Sud) pour tenter de définir des réponses concrètes à la pollution plastique, sans parvenir à un accord sur le contenu d’un futur traité. Cet automne, la question avait également été au cœur de la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan, organisée à Nice du 9 au 13 juin, où 96 pays, dont la France, avaient souligné l’urgence de fixer « un objectif mondial visant à réduire la production et la consommation de polymères plastiques primaires à des niveaux durables ».
À Genève, la fin des négociations était officiellement prévue jeudi à minuit, mais les discussions pourraient se prolonger dans la nuit et jusqu’au vendredi si les diplomates sont en voie de parvenir à un texte commun. Les participants soulignent que, si aucun compromis n’est trouvé, ce sommet — annoncé comme une étape décisive — pourrait rejoindre la longue liste des rendez‑vous internationaux concluant sans mesure concrète.
Les prochains jours seront donc déterminants pour savoir si la communauté internationale parviendra à concilier propositions ambitieuses de réduction de la production de plastique et réticences de pays liés aux industries pétrochimiques.
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