« Ça fait longtemps qu’on se dit que la saisie du produit [stupéfiant] est importante mais pas suffisante. Il faut aller sur la saisie du produit et arriver à démanteler les réseaux de blanchiment. » C’est par ces mots que le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, a commenté, samedi 27 septembre, la neutralisation d’une filière internationale de conversion des recettes du narcotrafic en lingots d’or 24 carats à Milan.
Une opération transfrontalière coordonnée
L’enquête, menée en coopération entre la section de recherches Provence-Alpes-Côte d’Azur de la gendarmerie française et la police financière de Milan (Guardia di Finanza), a conduit à des saisies importantes en France et en Italie. Selon le parquet marseillais, l’action a permis de « mettre hors d’état de nuire » un mécanisme de transformation d’argent liquide en métal précieux, avant exportation de certains éléments vers le Kosovo puis la Turquie, circuit dont la configuration exacte reste, pour l’heure, inconnue.
Les autorités ont présenté ces résultats lors d’une conférence de presse. Elles ont souligné l’importance d’agir non seulement sur la saisie des stupéfiants eux-mêmes, mais aussi sur l’ensemble des filières financières qui permettent au trafic de perdurer.
Montants et objets saisis en France
Sur le territoire français, l’enquête a permis la saisie de plus de 2,7 millions d’euros en numéraire. Les policiers et gendarmes ont également saisi 55 lingots d’or d’un kilogramme chacun, évalués à 5,5 millions d’euros selon les estimations communiquées par les enquêteurs.
Parmi les autres biens confisqués figurent dix véhicules, quatorze montres de luxe et deux biens immobiliers. L’ensemble de ces avoirs criminels saisis en France est chiffré à environ 10 millions d’euros, d’après les autorités impliquées dans l’enquête.
Prises importantes à Milan et propriétés liées
Du côté italien, les perquisitions à Milan ont ciblé une fonderie utilisée pour convertir des liquidités en métal précieux. Les investigations ont abouti à la découverte et à la saisie de 238 kg d’or et 400 kg d’argent, ainsi que de 7 kg de palladium et 5 kg de platine.
Les autorités italiennes ont également annoncé la mise sous scellés d’une somme globale d’environ 1,3 million d’euros en numéraire et la saisie de 24 biens immobiliers. Ces éléments confirment l’importance des capitaux transitant par la filière mise au jour.
Enjeux judiciaires et financières
Le procureur Nicolas Bessone a mis l’accent sur la nécessité de remonter au réseau de blanchiment lui‑même, et pas seulement de confisquer le produit des trafics. La démarche vise à détruire les structures qui facilitent la transformation et la circulation de fonds d’origine criminelle, afin d’empêcher leur réinsertion dans l’économie légale.
Les saisies matérielles — métaux précieux, liquidités, véhicules, montres et biens immobiliers — constituent des éléments de preuve et de blocage du patrimoine des suspects, mais elles restent, selon le parquet, une étape dans une procédure judiciaire qui devra établir les responsabilités individuelles et les liens entre les acteurs concernés.
Perspectives de l’enquête
Les enquêteurs français et italiens poursuivent leurs investigations pour déterminer l’origine précise des fonds, l’organisation des flux et l’identité de l’ensemble des personnes impliquées dans la chaîne de conversion. Les pistes incluent l’identification des intermédiaires ayant permis l’exportation de lingots vers le Kosovo puis la Turquie, ainsi que la vérification des relations entre la fonderie milanaise et des réseaux présumés de blanchiment.
Au-delà des saisies, les magistrats et services financiers entendent également travailler sur les aspects de gel et de restitution des biens, dans le respect des procédures pénales et des droits de la défense. Aucune information sur des mises en examen ou des arrestations à grande échelle n’a été détaillée dans le communiqué initial.
Cette opération illustre la montée en puissance des coopérations policières et judiciaires transnationales face à des circuits financiers complexes. Elle met en lumière la porosité des frontières pour des flux monétaires d’origine criminelle et la nécessité d’une réponse coordonnée pour les perturber.