Un résultat net et une investiture annoncée
Le 25 octobre, Catherine Connolly a été élue présidente de la République d’Irlande. L’avocate de 68 ans a recueilli 63,4 % des voix, contre 29,4 % pour Heather Humphreys, candidate du Fine Gael. Connolly devrait succéder au président Michael D. Higgins le 11 novembre, après le terme de son mandat, que ce dernier ne pouvait pas briguer de nouveau après deux mandats.
Le rôle et la portée de la présidence
Si la fonction reste essentiellement symbolique, le président ou la présidente de la République irlandaise incarne l’unité nationale, garantit la Constitution et commande les forces armées. Depuis l’élection de Mary Robinson, première femme à occuper cette charge dans les années 1990, la fonction a pris un caractère plus actif et engagé dans les débats publics, notamment sur des questions de société. Catherine Connolly s’inscrit dans cette lignée d’une présidence plus présente dans l’espace politique et civique.
Parcours et engagements de la nouvelle présidente
Originaire de Galway, décrite dans l’article comme « l’âme de la côte ouest » irlandaise, Catherine Connolly a commencé sa carrière politique au conseil municipal avant d’être élue députée en 2016. Psychologue devenue avocate, elle est indépendante depuis son départ du Labour en 2006. Connolly est présentée comme une militante pacifiste et une francophone réputée.
Au cours de la campagne et des derniers mois, elle a exprimé des positions marquées sur des dossiers internationaux et nationaux. Elle a ainsi dénoncé « l’horrible agression russe » contre l’Ukraine tout en critiquant l’OTAN, accusée selon elle en 2022 d’avoir « joué un rôle méprisable en avançant jusqu’à la frontière et en se livrant à des actes de guerre ». Elle a également exprimé son soutien à la cause palestinienne et a qualifié Israël d’« État génocidaire » depuis le déclenchement du conflit à Gaza, en octobre 2023.
Connolly milite par ailleurs pour la réunification de l’Irlande. Lors d’une visite à Belfast, elle a estimé en août que « les citoyens nord-irlandais devraient pouvoir participer à la présidentielle », rappelant que le nord de l’île « est un membre coupé de la République d’Irlande ». Ces déclarations s’inscrivent dans son engagement pour une gauche unie favorable à la réunification.
Campagne, coalition de la gauche et score électoral
La candidature de Catherine Connolly a bénéficié d’un soutien inédit de plusieurs forces de gauche irlandaises : le Labour, les sociaux-démocrates, People Before Profit et surtout le Sinn Féin, parti favorable à la réunification. Ces formations, qui avaient jusque-là été marginales lors des scrutins présidentiels, ont uni leurs forces derrière Connolly, contribuant à un électorat jeune et mobilisé.
La victoire s’accompagne de signaux politiques forts : le Fine Gael et son candidate Heather Humphreys ont essuyé une défaite nette. La participation a été jugée faible, à 46 %, et le scrutin a enregistré un taux record de bulletins invalides (13 %), éléments interprétés comme la manifestation d’une défiance croissante envers les partis traditionnels.
Contexte social et défis à venir
Le scrutin intervient dans un contexte de fortes tensions sociales en Irlande. La crise du logement, le mécontentement face à ce que beaucoup perçoivent comme une inaction gouvernementale malgré d’importants excédents budgétaires, et des infrastructures publiques sous-dimensionnées, notamment dans le transport, ont alimenté la frustration des citoyens.
La campagne présidentielle a par ailleurs été marquée par la montée de discours d’extrême droite, notamment autour de l’accueil des migrants. Ces tensions ont dégénéré récemment en heurts violents entre manifestants et forces de l’ordre près d’un centre d’hébergement à Dublin, illustrant la sensibilité du climat social.
Une présidence attendue pour apaiser
Élue dans un contexte social tendu, la nouvelle présidente aura pour tâche d’apaiser les crispations et d’insuffler une dynamique intérieure renouvelée. Lors de son discours de victoire au château de Dublin, prononcé d’abord en gaélique, elle a promis d’être « une voix pour la paix, une voix qui s’appuie sur [la] politique de neutralité, une voix qui articule la menace existentielle posée par le changement climatique ». Ces engagements tracent les lignes de ce que son mandat pourrait mettre en avant, sans pour autant changer la nature essentiellement symbolique de la fonction.
Toutefois, certains observateurs anticipent déjà que ses positions tranchées en matière de politique étrangère ou de défense pourraient générer des tensions avec le gouvernement en place. La période d’investiture et les premiers gestes symboliques permettront de mieux mesurer la marge de manœuvre et l’influence réelle de cette présidence sur la scène politique irlandaise.
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