Un accord présenté comme « voie légale et sûre »
Le 10 juillet, à Londres, lors du 37ᵉ sommet franco‑britannique, Emmanuel Macron et Keir Starmer ont annoncé un dispositif que la presse britannique a rapidement qualifié de « one in, one out » — littéralement « un qui entre, un qui sort ». Présenté par les autorités comme une « voie légale et sûre », ce mécanisme organise un lien direct entre les expulsions de personnes arrivées irrégulièrement au Royaume‑Uni et l’octroi de visas à des personnes sélectionnées en France.
Un mécanisme d’échange contrôlé
Concrètement, le principe annoncé est simple : pour chaque personne renvoyée en France après avoir tenté de rejoindre les côtes anglaises en « small boat » par la Manche, une autre personne, choisie en France, pourra obtenir un visa pour entrer légalement au Royaume‑Uni. Les gouvernements des deux pays décrivent ce système comme une manière de réduire les arrivées irrégulières tout en proposant des parcours d’entrée « contrôlés ».
Aux yeux des autoridades, l’objectif est de dissuader les traversées dangereuses et de créer des canaux d’immigration « encadrés ». Dans les faits, ce dispositif institue une relation de dépendance entre des expulsions et des admissions : chaque arrivée irrégulière est compensée par une entrée dite « légale », selon la logique même du « one in, one out ».
Conséquences pour les personnes en exil
Pour les personnes concernées, la mesure modifie profondément l’expérience du recours à la protection internationale. Plutôt que d’être considérées individuellement en tant que personnes susceptibles de bénéficier d’une protection en vertu du droit d’asile, elles risquent d’être traitées comme des éléments substituables dans un dispositif administratif et politique.
Des personnes ayant fui des pays en guerre ou en situation de persécution — parmi lesquelles figurent des ressortissants du Soudan, de l’Afghanistan, de la Syrie ou de l’Érythrée — peuvent ainsi être détenues au Royaume‑Uni, puis renvoyées en France après une arrivée par small boat, d’après les éléments rapportés. Selon ces descriptions, ces renvois s’effectueraient souvent sans que les personnes concernées obtiennent une visibilité claire sur leur avenir et leurs chances effectives d’accès à une procédure d’asile.
Débats juridiques et critiques
Le caractère procédural de ce mécanisme a suscité des critiques. Ses détracteurs estiment que transformer chaque arrivée irrégulière en facteur conditionnant l’admission d’une autre personne revient à instrumentaliser le droit d’asile. Pour ces observateurs, le dispositif risque d’éroder le principe selon lequel toute personne doit pouvoir demander une protection contre les persécutions, indépendamment des flux migratoires ou d’un échange bilatéral.
Plusieurs voix s’inquiètent également d’une possible « externalisation » des frontières, quand des décisions d’admission et d’expulsion sont traitées comme des variables d’ajustement entre États plutôt que comme des impératifs de protection humanitaire. Des associations et certains juristes redoutent que la mesure ne conduise à une logique plus répressive de gestion des migrations.
Les termes mêmes employés — « voie légale et sûre » et « one in, one out » — montrent l’enjeu politique : offrir une réponse visible aux défis des traversées tout en proposant une narration de contrôle. Mais la traduction pratique de ces formules soulève des questions sur le respect des obligations internationales en matière d’asile et sur la capacité des États à garantir des procédures individuelles effectives.
Enjeux pratiques et humanitaires
Sur le terrain, la mise en œuvre de ce type de dispositif suppose des mécanismes rapides de sélection, d’identification et de coordination entre autorités nationales, ainsi que des capacités d’hébergement et d’accompagnement pour les personnes « sélectionnées » en France. Elle implique aussi des procédures d’évaluation pour déterminer si les personnes renvoyées peuvent bénéficier d’une protection effective dans le pays de renvoi.
Enfin, au‑delà des aspects administratifs, le débat met en lumière la tension entre réponses politiques visant à dissuader les traversées dangereuses et obligations de protection individuelle. Le « one in, one out » cristallise ces questions en les ramenant à un calcul binaire, suscitant des interrogations sur la compatibilité d’un tel mécanisme avec les garanties fondamentales attachées au droit d’asile.
La mise en œuvre concrète et les conséquences sociales et juridiques de cet accord resteront à suivre, au fur et à mesure de la publication des textes d’application et des décisions prises par les autorités des deux pays.