La rencontre au Kremlin entre le président russe Vladimir Poutine et les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner — venus présenter un plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine — a duré près de cinq heures. Le déroulé des entretiens, selon les déclarations rendues publiques, laisse toutefois de nombreuses questions en suspens.
Des discussions longues mais prudentes
Les échanges ont commencé presque trois heures après l’heure initiale annoncée, fixée à 17 h par le porte-parole de Vladimir Poutine. Avant l’ouverture des pourparlers, le chef de l’État russe avait livré un message ferme, précisant qu’il ne souhaitait pas « de guerre avec l’Europe », tout en se disant « prêt » si les Européens « le souhaitent et commencent ». Son conseiller diplomatique, Iouri Ouchakov, a ensuite adopté un ton plus mesuré et a indiqué que la porte restait ouverte à des négociations plus approfondies.
Selon Iouri Ouchakov, Moscou a discuté avec ses homologues américains « du contenu des projets et documents que les Américains ont soumis à Moscou », mais « nous n’avons pas discuté du libellé précis ni de propositions américaines spécifiques, mais plutôt de l’essentiel du contenu de ces documents ». Il a ajouté que certains points s’étaient entendus, sans fournir davantage de précisions.
Les conditions russes demeurent inchangées
Sur les questions territoriales, Ouchakov a affirmé que la délégation russe n’a pas caché une attitude « critique, voire négative », et que des « questions territoriales spécifiques » ont été abordées. Le texte rendu public souligne la fermeté de Moscou sur plusieurs conditions jugées non négociables : le retrait des troupes ukrainiennes du Donbass, la réduction des forces armées de Kiev, la reconnaissance officielle par l’Ukraine des territoires occupés comme faisant partie de la Russie, et la formalisation par Kiev d’un engagement à ne pas rejoindre l’OTAN.
Cette ligne de fermeture s’inscrit dans la continuité du positionnement affiché par Vladimir Poutine depuis sa rencontre avec Donald Trump à Anchorage (Alaska) le 15 août. Le renseignement politique et diplomatique attribue au président russe une démarche visant à ménager et flatter le président américain, tout en maintenant des exigences élevées susceptibles d’incriminer les Européens en cas d’échec diplomatique.
Un cessez‑le‑feu loin d’être acquis
Malgré l’ampleur et la durée des échanges, le texte indique que « aucune solution de compromis n’a encore été choisie », même si « certaines propositions américaines peuvent être discutées ». Pendant que la diplomatie s’active, le conflit sur le terrain se poursuit. Le document mentionne qu’en novembre la Russie a lancé 5 660 missiles et drones contre l’Ukraine et conquis 701 kilomètres carrés supplémentaires. Ces chiffres sont présentés tels quels dans le compte rendu, mais ils apparaissent étonnants au regard des données généralement connues sur la superficie totale de l’Ukraine (≈603 000 km²) ; ils méritent donc une vérification complémentaire auprès de sources officielles.
Face à cette réalité, Kiev attend un signal clair. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a indiqué dans la soirée qu’il attendrait le compte rendu de la délégation américaine et resterait « prêt » pour un nouveau rendez‑vous avec Donald Trump si les conditions le permettent. Selon une source ukrainienne citée par l’AFP, Steve Witkoff et Jared Kushner pourraient rencontrer cette semaine à nouveau une délégation de Kiev en Europe.
Prochaines étapes incertaines
Le président ukrainien a précisé sur Telegram que « la délégation américaine souhaite nous faire un compte rendu immédiatement après ces rencontres. Les prochaines étapes dépendront de cela ». Du côté russe, les déclarations publiques traduisent à la fois une ouverture prudente et un maintien ferme de lignes rouges qui, pour l’instant, rendent toute avancée majeure incertaine.
En l’état, la rencontre au Kremlin illustre la complexité du dialogue : de longues négociations, des échanges sur documents mais pas de compromis final, et une juxtaposition persistante entre le diplomatique et le militaire. Le texte diffusé après l’entretien conserve un ton calibré : il laisse ouverte la possibilité d’un dialogue approfondi, tout en réaffirmant des exigences qui risquent d’empêcher une résolution rapide du conflit.
Les observateurs devront désormais suivre le compte rendu officiel de la délégation américaine et la réaction de Kiev pour évaluer si ces entretiens amorcent réellement une dynamique susceptible d’aboutir à des négociations concrètes et vérifiables.





