Rarement des « murmures » auront suscité un tel retentissement. Cet été, la mise en scène historique intitulée « Murmures de la cité » a déclenché à Moulins (Allier) une vive controverse, transformant la préfecture en épicentre d’un affrontement politique et médiatique. Sur le terrain se sont opposés, selon les acteurs et observateurs, d’un côté des relais de l’extrême droite et, de l’autre, des forces de gauche partisanes et syndicales associées au monde scientifique. À l’issue du bras de fer, la première catégorie a pu revendiquer une victoire nette, en grande partie grâce au « soutien constant des collectivités locales », selon les protagonistes favorables au spectacle. Du 11 au 13 juillet, quelque 700 personnes par soir ont assisté à cette reconstitution d’une histoire de France à la façon du Puy du Fou, orchestrée par un jeune militant identitaire, Guillaume Senet.
Une programmation estivale qui déclenche la polémique
Le spectacle, qui se veut une reconstitution historique, a attiré un public nombreux sur trois soirées consécutives. Les organisateurs ont comparé la mise en scène à des formats populaires de reconstitutions à grand spectacle, explicitement évoqués par la référence au Puy du Fou. C’est l’apparition d’un logo — lettres noires sur fond blanc — qui a servi d’élément déclencheur de la controverse : celui du Fonds du bien commun, le projet caritatif et religieux du milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin.
La simple présence de ce logo sur la communication de l’événement a suffi à enflammer le débat local et national, en particulier parce que le soutien financier lié à ce partenariat n’a pas été rendu public. Selon les informations disponibles, le montant de l’aide apportée à « Murmures de la cité » reste inconnu, ce qui a alimenté les interrogations et les critiques.
Réactions politiques et demande de retrait de subvention
La révélation du soutien du Fonds du bien commun a poussé le député communiste de l’Allier, Yannick Monnet, à alerter la presse et à interpeller la ville de Moulins. Élu qui siège également comme conseiller municipal d’opposition, M. Monnet a demandé le retrait de la subvention attribuée à l’événement, estimant, selon ses déclarations publiques, que le soutien d’un projet lié à un milliardaire conservateur posait des questions d’ordre démocratique et de transparence.
La mobilisation autour de cette demande s’inscrit dans un contexte plus large : ces derniers mois, des tensions similaires ont émergé dans le monde associatif, lorsqu’une source de financement ou un partenariat a été perçu comme politiquement orienté. Ici, la polémique a pris une ampleur notable car elle a concerné la représentation publique d’une histoire nationale et l’implication d’élus locaux dans le financement ou l’indemnisation d’un spectacle.
Les protagonistes et les enjeux symboliques
Le metteur en scène et organisateur, identifié comme le jeune militant identitaire Guillaume Senet, est présenté par ses détracteurs comme admirateur d’antisémites convaincus. Cette qualification — sensible et fortement connotée — a servi à renforcer l’indignation de la gauche et des syndicats, qui ont refusé la tenue d’un spectacle mis en scène par une figure réputée proche de l’extrême droite. Les partisans du spectacle, en revanche, ont mis en avant la dimension culturelle et touristique de l’opération, ainsi que la liberté d’expression artistique.
Les collectivités locales, dont les noms et modalités de soutien n’ont pas toutes été précisées publiquement, ont joué un rôle déterminant dans le maintien de la programmation. Pour les défenseurs de l’événement, le soutien public relevait d’une politique de promotion culturelle et d’attractivité territoriale ; pour les opposants, il représentait une forme de complicité politique avec des acteurs contestés.
Dans le débat, plusieurs registres se confrontent : la nature des financements privés, la responsabilité des élus locaux, la protection de la mémoire historique et la lutte contre ce que certains qualifient de récupération politique d’un récit national. Ces enjeux dépassent la seule question du spectacle et renvoient à des interrogations plus générales sur le rôle des acteurs privés et des collectivités dans le financement d’initiatives culturelles.
Incertitudes et éléments confirmés
Plusieurs faits apparaissent établis : la tenue du spectacle « Murmures de la cité » à Moulins du 11 au 13 juillet, l’affluence rapportée d’environ 700 spectateurs par soir, la paternité artistique attribuée à Guillaume Senet, et la présence du logo du Fonds du bien commun de Pierre-Edouard Stérin sur les supports de communication. En revanche, des éléments demeurent flous ou non publiquement vérifiables à ce stade, notamment le montant et la nature exacte du soutien financier apporté par le Fonds du bien commun, ainsi que le détail des décisions prises par certaines collectivités locales.
La controverse illustre la polarisation grandissante autour des collaborations entre associations culturelles et financeurs privés à connotation politique. À Moulins, elle a pris la forme d’un affrontement public qui pose des questions de transparence, de responsabilité des élus locaux et de limites entre engagement culturel et instrumentalisation politique. Les réponses à ces questions dépendront en grande partie des informations complémentaires que les acteurs — organisateurs, financeurs et collectivités — accepteront de rendre publiques.