Un an après les émeutes, le « bouclier qualité‑prix » s’élargit
Un an après les mobilisations et les épisodes de violences qui avaient secoué la Martinique, les principaux acteurs de la distribution et les services de l’État ont signé, lundi 15 septembre, une version enrichie du « bouclier qualité‑prix » (BQP).
Le préfet de la Martinique, Etienne Desplanques, a qualifié ce texte d’« aboutissement de trois mois de négociations avec la grande distribution, avec les grossistes importateurs, pour obtenir un bouclier qualité‑prix qui soit élargi ». La signature clôt ainsi un cycle de concertation entre pouvoirs publics, distributeurs et associations de consommateurs.
Le dispositif s’inscrit dans la continuité du protocole de lutte contre la vie chère signé le 16 octobre 2024 par le prédécesseur du préfet et une trentaine d’interlocuteurs locaux, après plusieurs semaines de protestation populaire. Selon l’Insee, les produits alimentaires y demeurent en moyenne 40 % plus chers qu’en métropole, un élément qui avait largement alimenté le mécontentement.
Malgré la mise en place du protocole, l’Insee observait néanmoins une hausse des prix alimentaires en Martinique : en juillet, l’indice avait progressé de 0,8 % sur un an, rappelait l’institut fin août.
Un panier élargi : de 134 à 180 références
Jusqu’à présent limité à 134 articles organisés en quatre « sous‑paniers » (produits alimentaires, articles pour enfants, produits d’hygiène et d’entretien), le BQP passe désormais à 180 références. La nouvelle version, qui entre en vigueur dès mardi 16 septembre, intègre notamment quatorze produits de fournitures scolaires — une catégorie jusque‑là exclue du dispositif.
Par ailleurs, une nouvelle rubrique « BQP bricolage » a été créée. Elle comprend trente‑six articles disponibles dans sept enseignes de l’île, selon les informations communiquées lors de la signature. Ce volet s’inspire du modèle déjà appliqué à La Réunion et répond, selon Patrick Plantard, président de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus des Antilles‑Guyane, aux demandes formalisées par les associations de consommateurs : « Les produits ont été définis par les associations de consommateurs, qui ont fait état de leurs besoins. »
Le recours à ces associations dans la sélection des références vise à mieux cibler les besoins locaux et à rendre le dispositif plus accepté par la population.
Un futur BQP automobile et des négociations à venir
Le préfet a annoncé que le dispositif devrait encore s’étoffer avec la création prochaine d’un « BQP automobile », qui porterait sur des pièces détachées et sur « les services d’entretien des véhicules ». Les négociations avec les acteurs de ce secteur doivent être lancées « d’ici à quelques semaines », a‑t‑il précisé.
Ce chantier témoigne d’une volonté d’étendre la modération des prix à des postes de dépense qui pèsent sur le budget des ménages. Le calendrier et l’étendue exacte du BQP automobile n’ont pas été détaillés au moment de la signature.
Enjeux et limites
Les autorités présentent le BQP comme une mesure annuelle de modération des prix, négociée collectivement afin d’atténuer le différentiel de coût de la vie entre l’île et la métropole. Toutefois, les données de l’Insee — hausse de 0,8 % en juillet sur un an — montrent que la dynamique des prix reste à la hausse malgré les accords.
Les observateurs interrogés lors des discussions avaient insisté sur la nécessité d’un suivi régulier des engagements et sur la transparence des pratiques commerciales. L’efficacité du BQP dépendra en grande partie de la durée, de l’ampleur des réductions effectivement appliquées en magasins et du contrôle des marges et des approvisionnements.
Les associations de consommateurs et l’Observatoire des prix participeront, selon les déclarations publiques, au suivi annuel du dispositif, comme c’était déjà le cas pour l’édition précédente.
Une mesure inscrite dans un contexte socio‑économique tendu
L’élargissement du bouclier s’inscrit dans un contexte où les questions de pouvoir d’achat et d’accès aux biens de première nécessité restent au cœur des préoccupations en Martinique. Le protocole signé en octobre 2024 et les mesures qui en découlent visent à répondre à des tensions persistantes, sans garantir à elles seules un retour rapide à la stabilité des prix.
La mise en œuvre opérationnelle du BQP et l’ouverture prochaine des négociations pour le volet automobile seront des éléments à suivre pour évaluer l’impact réel de cette politique sur le coût de la vie des ménages martiniquais.