A rebours de son naturel mordant, c’est un David Rachline à la voix quasi inaudible, sous le cliquetis du clavier de la greffière, qui s’est présenté à la barre du tribunal de Draguignan (Var), mardi 30 septembre.
Le maire de Fréjus, membre du Rassemblement national (RN), était renvoyé en raison d’une accusation de « prise illégale d’intérêts ». Les faits reprochés portent sur sa participation à des votes du conseil municipal relatifs à deux sociétés d’économie mixte (SEM) de la commune — Fréjus Aménagement et Gestion de Port-Fréjus — lors de séances tenues en octobre 2017, février 2019 et mai 2020.
Les faits reprochés
Selon l’acte de renvoi, ces délibérations ont permis à l’élu d’entrer au conseil d’administration de ces deux SEM, étape préalable à son entrée dans les fonctions de direction de chacune d’elles. Ces responsabilités exécutives lui ont ensuite donné droit à des indemnités complémentaires qui, précise l’accusation, pouvaient atteindre 1 000 euros bruts par mois pour chaque poste.
La qualification judiciaire retenue — prise illégale d’intérêts — vise le cas où un élu participe à une décision dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel. Les débats au tribunal de Draguignan se sont ouverts sur l’examen de la nature de cet intérêt et sur l’obligation éventuelle de déport, c’est‑à‑dire de s’abstenir de voter.
La défense de l’élu
Face à la présidente du tribunal, David Rachline, 37 ans, a adopté un ton mesuré et hésitant. Rompu aux joutes politiques — il fut conseiller municipal à 20 ans, puis élu maire et sénateur à 26 ans — l’élu a livré une courte déclaration qui a ensuite été développée par ses avocats.
Interrogé sur la reconnaissance des faits, il a répondu : « Reconnaissez‑vous les faits ? – Non, je crois que je n’avais pas d’obligation de déport à ce moment‑là. Je n’avais absolument aucun intérêt personnel à être dans ce conseil d’administration. Le seul intérêt qui prévaut pour moi, c’est l’intérêt de la ville de Fréjus. »
Cette défense repose sur l’idée que les décisions prises au conseil municipal concernaient l’intérêt général de la commune et non un avantage personnel. Les conseils municipaux votent régulièrement des orientations ou des nominations concernant des SEM, qui associent capitaux publics et privés pour conduire des opérations d’aménagement ou de gestion d’infrastructures.
Enjeux et contexte local
Les sociétés d’économie mixte (SEM) ont pour vocation d’accompagner des projets publics en mobilisant des partenaires privés. Dans les collectivités locales, la présence d’élus au conseil d’administration de ces structures est fréquente, mais elle soulève parfois des questions juridiques dès lors que surgissent des liens entre les décisions du conseil municipal et les intérêts individuels des personnes appelées à siéger.
Le dossier met en lumière un point sensible de l’éthique publique : la frontière entre l’intérêt collectif de la commune et l’intérêt individuel d’un élu. Le calendrier des votes incriminés et la nature des décisions prises pendant les séances d’octobre 2017, février 2019 et mai 2020 seront au cœur de l’instruction et des débats devant le tribunal.
Le procès porte également une dimension politique, eu égard au profil national de l’élu et à son ancrage local. Les sommes évoquées restent modestes au regard des rémunérations publiques, mais elles suffisent à soulever un contentieux sur la conformité des pratiques aux règles déontologiques et légales qui encadrent les mandats locaux.
À l’audience, la ligne de défense est apparue centrée sur la bonne foi et la primauté de l’intérêt communal. Le tribunal devra désormais apprécier si les votes auxquels a participé l’élu constituaient une situation de conflit d’intérêts nécessitant un déport.
Le dossier suit son cours juridictionnel ; la suite des débats et les décisions éventuelles du tribunal n’ont pas été rapportées dans le compte rendu disponible lors de cette audience. Les avocats des parties et le parquet sont appelés à produire et discuter les éléments qui permettront au juge de statuer sur la qualification pénale retenue.