Contexte et enjeux du procès
Au deuxième jour du procès qui se tient devant le tribunal correctionnel de Lyon, l’ancien directeur de cabinet de Gaël Perdriau, Pierre Gauttieri, a livré un témoignage accablant. Mardi 23 septembre, il a affirmé que le maire de Saint-Étienne « a pris la décision » de réaliser une vidéo compromettante destinée à neutraliser son principal rival politique.
Gauttieri, âgé de 57 ans, a travaillé pendant dix ans aux côtés de Gaël Perdriau et était présenté comme l’un de ses collaborateurs les plus proches. Tous deux sont jugés pour des faits regroupés sous les qualifications de chantage, d’association de malfaiteurs et de détournement de fonds publics, aux côtés d’autres personnes impliquées dans cette affaire.
Le maire, exclu du parti Les Républicains, nie avoir commandité la vidéo et réfute l’accusation de chantage. Il encourt une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement ainsi qu’une peine d’inéligibilité, selon les chefs d’accusation présentés au procès.
Le récit du témoignage : dates et montages allégués
Selon Pierre Gauttieri, les tensions au sein de l’équipe municipale remontent dès l’élection de Gaël Perdriau au printemps 2014. « Monsieur le maire m’a demandé une solution pour tenir en respect Gilles Artigues, parce que nous avions (…) un doute sur sa capacité à ne pas comploter », a déclaré l’ancien directeur de cabinet à la barre.
Peu après, d’après son récit, l’adjoint à l’éducation à l’époque, Samy Kéfi-Jérôme, aurait proposé de piéger Gilles Artigues sur le plan des mœurs. Gauttieri affirme que Kéfi-Jérôme « en parle au maire pour savoir s’il souhaite qu'[il] aille plus loin » et que le maire lui aurait répondu de « voir ce qu’il en est au juste ».
Gauttieri relate ensuite avoir « rebouclé » avec le maire après plusieurs échanges entre l’adjoint et son compagnon, Gilles Rossary-Lenglet, qui reconnaît avoir conçu l’opération de « barbouzage ». Le plan exposé à la mairie était de filmer Gilles Artigues à son insu avec un prostitué, en contrepartie d’un soutien municipal pour la candidature de Samy Kéfi-Jérôme aux législatives de 2017 et du versement de 40 000 euros.
Selon l’ancien directeur de cabinet, « Monsieur le maire a pris la décision d’y aller » et, sur l’aspect financier, « il [lui] a dit [qu’il s’] en occup[ait] ». L’opération se serait déroulée début janvier 2015, lorsque Gilles Artigues aurait été piégé dans une chambre d’hôtel parisien avec un escort-boy. Dans le même temps, deux associations auraient reçu chacune 20 000 euros de subventions attribuées sur la réserve du maire, fonds ensuite reversés à Gilles Rossary-Lenglet, d’après le témoignage.
Enquête, révélations et revers personnels
Le scandale a éclaté en août 2022, lorsque Gilles Rossary-Lenglet a révélé l’affaire à Mediapart. Initialement loyal à son ancien employeur, Pierre Gauttieri dit alors avoir d’abord couvert Gaël Perdriau et accepté d’être congédié sans faire d’histoires. « Je dois assumer le rôle de fusible », a-t-il déclaré en expliquant avoir obtenu en retour une indemnité de départ et le maintien de ses allocations chômage, faute de licenciement pour faute grave.
Les investigations ont fait émerger des enregistrements et d’autres éléments qui, selon l’instruction, attestent de l’implication directe de Gauttieri. Dans un échange enregistré en 2018 par Gilles Artigues, Gauttieri lui lance : « J’ai une vidéo de vous le cul en l’air » et menace d’envoyer une copie aux « parents des élèves qui sont dans la même classe » que ses enfants.
L’enquête évoque également un projet distinct visant l’ancien maire Michel Thiollière, soupçonné par Perdriau, qui aurait dû le compromettre en le filmant avec une prostituée mineure. Ce plan, selon les éléments présentés lors de l’instruction, ne se serait pas concrétisé.
Placé quelques jours en détention en 2023, Pierre Gauttieri affirme que cette période l’a fait évoluer. En décembre 2023, il a changé de position devant la justice et a reconnu l’inexcusable de ses actes. « J’ai honte », a-t-il dit, tout en ajoutant qu’il « entend rester debout et essayer de retrouver un petit peu de dignité ».
Interrogé sur la défense du maire, qui l’accuse d’avoir menti et d’avoir agi sans en informer Perdriau, Gauttieri se déclare « attristé ». « Ça me fait mal parce que je me suis battu des années à ses côtés en confiance », a-t-il ajouté, la voix tremblante, concluant par l’image : « même la machine de guerre a ses points faibles ».