La visite à Taïwan de trois élus de la Polynésie française, fin août, présentée par ses protagonistes comme « amicale et culturelle », a suscité une nouvelle passe d’armes diplomatique début septembre. Le consul de Chine à Papeete, Lixiao Tian, a vivement critiqué ce déplacement qu’il juge « un symbole très fort au niveau politique ».
Les reproches formulés par le consul chinois
Interrogé par le média local Radio1 lors d’une réception organisée le 19 septembre pour l’anniversaire de la République populaire de Chine, M. Tian a indiqué avoir rencontré les trois élus concernés — le sénateur Teva Rohfritsch ainsi que deux anciens présidents de la Polynésie française, aujourd’hui maires : Édouard Fritch (Pirae) et Gaston Tong Sang (Bora Bora).
Le consul a déclaré son « opposition ferme » au déplacement à Taïwan, rappelant la position de Pékin qui considère l’île comme « une de ses provinces ». Selon ses propos rapportés, il a affirmé que « la France reconnaît que Taïwan fait partie intégrante de la Chine, que la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime », qualifiant cette reconnaissance de l’une des « prémices de l’établissement des relations sino‑françaises ».
La réponse des élus et la clarification sur la position française
Face aux critiques du consul, le sénateur Teva Rohfritsch a réagi auprès du quotidien Le Monde en soulignant que « il n’était pas question pour nous d’aller à Taïwan nous immiscer dans les tensions entre ces deux pays. Je dis bien deux pays, car c’est la position de la France ». Cette prise de parole met en lumière un point de vocabulaire et de lecture diplomatique sensible entre les acteurs locaux et Pékin.
Il convient de préciser que la formulation du consul Tian diffère de la pratique diplomatique française telle qu’elle est généralement comprise : la France, comme la grande majorité des États, n’accorde pas de reconnaissance formelle à Taïwan en tant qu’État souverain. En parallèle, Paris entretient des relations non‑diplomatiques et des échanges économiques et culturels avec l’île, défend son système démocratique et s’oppose à toute modification du statu quo par la force, en particulier de la part de la Chine.
Ces nuances expliquent en partie la sensibilité autour des déplacements officiels d’élus vers Taïwan : un voyage présenté comme culturel peut être perçu comme un geste à portée politique par Pékin, tandis que des responsables français ou locaux insistent sur l’absence d’intention de remettre en cause l’équilibre diplomatique existant.
Impacts politiques locaux et portée symbolique
Dans l’archipel, la visite soulève des interrogations sur l’articulation entre politiques locales et enjeux internationaux. Les trois personnalités concernées — Teva Rohfritsch, Édouard Fritch et Gaston Tong Sang — cumulent des fonctions et des trajectoires politiques importantes au sein de la Polynésie française. Leur présence à Taïwan a donc une résonance particulière auprès des électeurs et des acteurs économiques locaux.
Du côté de Pékin, la mise en avant d’une « opposition ferme » par le consul à Papeete illustre la stratégie diplomatique chinoise visant à contester toute action susceptible, de son point de vue, d’affaiblir la revendication d’une souveraineté sur l’île. Pour les élus polynésiens, la justification première du déplacement — des échanges « amicaux et culturels » — sert à relativiser la portée politique du voyage.
Sur le plan pratique, cette controverse pourrait inciter les autorités locales à clarifier le cadre et les objectifs de futurs déplacements internationaux, afin de réduire les risques de malentendus avec des puissances étrangères impliquées dans des différends sensibles.
En l’état, la situation reste caractérisée par des positions contrastées : d’un côté, des responsables locaux qui revendiquent la nature culturelle du déplacement ; de l’autre, une représentation chinoise qui y voit un acte à forte charge politique. Le débat devrait se poursuivre tant que les relations autour du statut de Taïwan resteront un sujet internationalement disputé.