Les déclarations d’Emmanuel Macron en marge d’un Conseil européen le 23 octobre ont relancé le débat sur l’avenir de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). Si le chef de l’État a souligné la nécessité d’attendre la « finalisation » par la Commission européenne, ses propos n’ont pas dissipé les inquiétudes qui entourent la ratification définitive du traité.
Un accord signé mais contesté
Le texte rappelle que l’accord commercial a été signé le 6 décembre 2024, mais que la France demeure « clairement opposée » à son adoption définitive à ce stade. Emmanuel Macron avait alors jugé le projet « inacceptable en l’état », en invoquant des risques pour l’agriculture française et pour l’environnement.
À Bruxelles, le 3 septembre, la Commission européenne avait présenté une dernière version de l’accord intégrant des « mesures de sauvegarde pour les produits européens sensibles ». Ces mesures ont été bien accueillies à Bruxelles et soumises depuis aux pays du Mercosur pour notification.
Attente d’une notification et pression des organisations
Les pays du Mercosur attendent désormais la notification de ces mesures de sauvegarde. Selon la communication citée dans l’article d’origine, « aujourd’hui le gouvernement français, comme les autres d’ailleurs, attend ces réponses ». Emmanuel Macron a insisté sur la nécessaire protection des secteurs « les plus exposés » et des consommateurs européens.
Quarante-quatre organisations de la société civile — parmi lesquelles la Confédération paysanne, la CGT, Greenpeace et France Nature Environnement — ont demandé une « clarification publique ». Dans une lettre ouverte publiée le mardi 28 octobre, les signataires ont appelé le président à « clarifier publiquement la position française », à « construire une minorité de blocage avec les autres pays européens critiques de cet accord » et à s’opposer à la « division » de l’accord pour faire avancer seulement son volet commercial.
Ce courrier reflète les tensions persistantes autour d’un texte négocié depuis plus de 25 ans et jugé par certains acteurs comme insuffisant sur les garanties environnementales et agricoles.
La réponse technique de la Commission et la proposition législative
Pour répondre aux préoccupations du monde agricole, la Commission européenne a proposé un nouveau règlement le 8 octobre 2025. La proposition législative contient des dispositions spécifiques concernant la viande bovine, la volaille, le riz, le miel, les œufs, l’ail, l’éthanol et le sucre.
Concrètement, ce texte prévoit qu’en cas de perturbation des marchés, une enquête pourra être ouverte à la demande d’un État membre, permettant d’activer des mesures de sauvegarde provisoires et de mener et conclure des enquêtes dans un délai de quatre mois. Les détracteurs du libre-échange estiment toutefois que « l’activation d’une mesure par définition temporaire et dont l’usage est limitatif et exceptionnel » reste insuffisante pour garantir la protection durable des filières européennes.
Divisions au sein de l’Union et calendrier incertain
À Bruxelles, la prise de position de l’Allemagne a été perçue comme déterminante. Le chancelier allemand Friedrich Merz a déclaré que « la voie est libre pour le Mercosur », une formule qui a semé la confusion parmi les diplomates, compte tenu de la sensibilité du dossier.
La présidente de la Commission, Kaja Kallas, a affirmé le 24 octobre que, « hier, lors du Conseil européen, nous avons donné un mandat pour signer l’accord Mercosur ». Ces remarques ont surpris plusieurs diplomates, car l’accord, controversé et négocié depuis plus de vingt-cinq ans, reste loin de faire l’unanimité.
Le président du Conseil européen, António Costa, a tempéré les annonces en précisant qu’aucune décision ne figurait encore au compteur final et qu’il avait demandé aux dirigeants d’entretenir des échanges avec leurs ambassadeurs pour régler « les problèmes techniques liés aux traductions » afin de permettre une signature dans des délais opportuns.
Friedrich Merz a évoqué la possibilité d’une finalisation le 19 décembre, date qui circule dans les débats, sans que cela n’ait valeur d’engagement unanime. Plusieurs États membres — Autriche, Irlande, Pays-Bas, Pologne — continuent à manifester une opposition ferme à l’accord.
Enjeux et limites des garanties proposées
La proposition de règlement de la Commission tente d’apporter des garanties ciblées et des procédures rapides en cas de choc commercial. Mais les critiques soulignent que ces garde-fous, temporaires par nature, ne règlent pas les incertitudes structurelles liées à l’ouverture des marchés et aux impacts environnementaux. Le débat met ainsi en lumière la difficulté d’équilibrer ambition commerciale et exigences de protection des filières et de l’environnement.
En l’état, la France répète sa volonté d’obtenir des clarifications publiques et des garanties supplémentaires avant de s’engager définitivement. Le dossier reste donc ouvert, portée par des calendriers politiques et des arbitrages entre États membres dont l’issue demeure incertaine.





