Réunie à Bruxelles pour l’installation de la nouvelle mandature du Comité économique et social européen (CESE), la délégation française affiche un mélange d’ambition et de lucidité. Si tous saluent l’élection du nouveau président irlandais Séamus Boland, leurs priorités divergent selon les sensibilités, entre simplification du marché intérieur, convergence sociale et renforcement du dialogue avec la société civile.
Un président orienté vers la société civile
Le 22 octobre 2025, le CESE a élu Séamus Boland à la présidence pour un mandat de deux ans et demi. Il succède à l’Autrichien Oliver Röpke et devient le 35e président du Comité. Sous la devise « Civil Society at the Heart of Europe », M. Boland affirme vouloir replacer la société civile « au cœur du projet européen » via un programme centré sur les personnes et articulé autour de trois priorités. « Le CESE doit jouer un rôle essentiel dans la construction d’une Europe préparée, résiliente et solidaire », a-t-il déclaré lors de son élection, plaidant pour un dialogue renforcé entre institutions, citoyens, syndicats et entreprises.
L’élection de M. Boland est perçue par la délégation française comme une opportunité de rendre le CESE plus opérationnel et plus ancré dans le terrain. Son orientation vers la société civile a été soulignée comme un signal positif, mais les représentants français insistent sur la nécessité d’un équilibre entre ambition politique et réalisme opérationnel.
Des objectifs concrets pour la mandature opérationnelle
Sur le plan opérationnel, la membre du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), Émilie Prouzet, entame son deuxième mandat au CESE. Directrice des affaires publiques européennes de la Fédération du commerce et de la distribution, elle a été élue à la présidence de la section du Marché unique, de la production et de la consommation (INT) du Comité. Son mot d’ordre est la mise en œuvre effective du marché intérieur : « Il faut aller droit au but », a-t‑elle déclaré, insistant sur l’importance de propositions opérationnelles axées sur la simplification et la compétitivité européenne, dans la ligne des travaux de Mario Draghi et Enrico Letta.
Parmi les chantiers qu’elle souhaite voir avancer figure le projet dit du « 28e régime », une piste visant à créer un cadre juridique volontaire commun à tous les États membres pour surmonter certaines barrières nationales persistantes. Émilie Prouzet reconnaît que ce projet représente « un vrai défi, mais aussi une chance de rétablir un cadre de confiance et d’efficacité économique ».
Les préoccupations sociales et environnementales de la délégation
Les syndicats, regroupés dans le groupe II (travailleurs), ont rappelé l’importance de la convergence sociale. Carole Desiano, syndicaliste chez Force Ouvrière, a mis l’accent sur les inégalités persistantes et la nécessité de droits plus uniformes pour les travailleurs, ainsi que sur leur participation aux transformations à venir.
Autre dossier de taille pour la mandature : la réponse européenne à l’arrivée massive de produits extra‑européens. « Il faut s’assurer d’un véritable level playing field », a résumé Émilie Prouzet, plaidant pour un meilleur contrôle de la conformité et de la durabilité des importations. Cette demande s’inscrit dans une logique de protection de la compétitivité européenne et de respect des standards environnementaux et sociaux.
La dimension environnementale trouve sa voix au sein de la délégation française. Sandrine Bélier, ancienne eurodéputée écologiste (2009–2014) et aujourd’hui directrice de l’association Humanité et Biodiversité, intègre le groupe III (organisations de la société civile). Elle appelle à faire de la transition écologique un fil conducteur transversal des actions du CESE. Pour elle, reconnecter l’écologie à la société civile permettra de montrer que les transitions peuvent être une opportunité si elles sont justes, co‑construites et partagées.
Un objectif partagé : rendre le CESE influent
Présent à Bruxelles pour l’installation de la nouvelle mandature, Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental français, a insisté sur la nécessité d’une meilleure articulation entre les différents niveaux de la société civile organisée. Il a évoqué la complémentarité entre les régions, le CESE français et le CESE européen, ainsi que les coopérations déjà engagées, comme « l’Erasmus de la société civile », qui facilitent les échanges entre conseillers nationaux et européens.
Au‑delà de leurs sensibilités diverses, les 24 membres français du CESE partagent la conviction que la société civile doit retrouver toute sa place dans le débat européen. Tous convergent vers un même objectif : faire du CESE un acteur d’influence et de terrain, capable de transformer constats en propositions opérationnelles et ces propositions en politiques publiques.
La nouvelle présidence appelle à replacer « la société civile au cœur de l’Europe ». La délégation française a choisi d’y répondre par un mélange de pragmatisme, d’exigence et d’ambition, en mettant l’accent sur la mise en œuvre concrète des réformes, la convergence sociale et l’inscription claire des transitions écologique et numérique dans l’action du Comité.





