Du pragmatisme historique à une intégration européenne assumée
Devenu membre de ce qui était encore la Communauté économique européenne en 1973, le Danemark a longtemps concilié ouverture économique et réserve politique. Fier de son identité et de son modèle social, le pays — petit par sa surface (42 925 km2, 21e superficie de l’UE) et sa population (un peu moins de 6 millions d’habitants) — s’est souvent démarqué par des mécanismes de consultation démocratique sur les questions européennes.
Plusieurs référendums ont marqué cette histoire : le rejet du traité de Maastricht le 2 juin 1992, puis le refus d’adhérer à la zone euro en 2000. Ces positions n’ont toutefois pas remis en cause le statut du Danemark au sein de l’Union. Comme d’autres États, il a négocié des exceptions, dites « opt-out », afin de ne pas participer à certaines politiques communes.
En 1997, avec la signature du traité d’Amsterdam, et plus récemment avec l’adhésion du pays à la politique européenne de défense en juin 2022, le Danemark a amorcé un glissement : de la prudence à une participation plus active sur des enjeux stratégiques.
Renforcement de la défense : budgets et priorités
Le revirement danois sur les questions de défense s’explique en grande partie par le contexte sécuritaire européen, en particulier la guerre en Ukraine et la menace russe ressentie au nord et en mer Baltique. Depuis cette inflexion, Copenhague peut participer aux opérations militaires conjointes de l’UE via la PSDC (Politique européenne de sécurité et de défense commune) et coopérer au développement et à l’acquisition de capacités militaires.
Les engagements budgétaires traduisent ce tournant. Le gouvernement a mis en place un « fonds d’accélération » pour le réarmement doté de 120 milliards de couronnes (environ 16 milliards d’euros) étalés jusqu’en 2033. Cette somme s’ajoute aux 190 milliards de couronnes déjà alloués aux armées pour dix ans. Avec ces investissements, le Danemark consacrera 3,2 % de son PIB à la défense en 2025, a indiqué l’exécutif.
Aujourd’hui, le pays consacre 2,37 % de son PIB à la défense et se classe au 7e rang des États membres de l’Union européenne en matière d’effort militaire. Le Premier ministre Mette Frederiksen, réélue en juin 2022 à la tête d’une coalition de centre-gauche, a qualifié ce niveau d’effort de « plus haut depuis plus d’un demi-siècle ».
Présidence du Conseil de l’UE et priorités européennes
Du 1er juillet au 31 décembre 2025, le Danemark assure la présidence du Conseil de l’Union européenne, succédant à la Pologne et précédant Chypre. Si le pays entend jouer un rôle de médiateur, il profitera aussi de ce semestre pour porter ses priorités au niveau européen.
Le slogan retenu pour la présidence est « une Europe forte dans un monde en changement ». Copenhague avance deux priorités générales : « une Europe sûre » et « une Europe verte et compétitive ». Au-delà du renforcement de la défense, la présidence danoise se veut un moment pour impulser des mesures de compétitivité et de simplification, comme le promeut la Commission européenne.
Migrations, Groenland et continuité politique
Sur les questions migratoires et d’asile, le Danemark conserve une position rigoureuse et a négocié des retraits de certaines dispositions européennes, domaine où il bénéficie d’options particulières. Depuis la crise migratoire de 2015-2016, le pays a durci sa politique d’asile pour dissuader les arrivées et encadrer l’accès aux garanties juridiques.
En mars 2025, la Première ministre italienne Giorgia Meloni est devenue, selon le texte original, une alliée stratégique du Danemark au sujet d’une politique controversée d’externalisation des procédures d’asile de l’UE; ensemble, elles ont cosigné une lettre, avec sept autres dirigeants européens, regrettant que la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l’homme empêche la mise en place d’une politique migratoire qu’ils jugent « efficace ».
Le Groenland reste au cœur des tensions géopolitiques entourant Copenhague. Communauté autonome depuis 1979, le Groenland conserve des liens constitutionnels étroits avec le Royaume du Danemark. Sa situation attire l’appétit de grandes puissances; le texte mentionne notamment les intentions affichées par l’ancien président américain Donald Trump d’annexer l’île autonome, évoquées dans le débat public et ayant contribué à modifier la position danoise vis‑à‑vis de la sécurité européenne.
Une trajectoire stratégique assumée
Sans renier ses spécificités ni ses « lignes rouges » — notamment en matière migratoire — le Danemark illustre une nouvelle forme d’européisme, plus pragmatique et stratégique. Longtemps attaché à une orthodoxie budgétaire, le pays opère désormais un virage vers une politique plus assumée en matière de sécurité et d’investissement.
Solide, intégré au marché unique et compétitif, le Danemark conserve des atouts économiques, portés par des secteurs clés comme l’industrie pharmaceutique et le transport maritime. Sa trajectoire montre comment un État de petite taille peut recalibrer sa souveraineté et ses alliances pour répondre aux défis géopolitiques actuels.