Dette française : Bardella propose d’ouvrir une discussion avec la BCE (achats de titres, contraintes juridiques et enjeu de souveraineté)

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Jordan Bardella et le Rassemblement national proposent d’ouvrir une « discussion » avec la BCE pour tenter d’abaisser le coût de la dette française — évoquant notamment des achats de titres publics — mais se heurtent à l’indépendance de la Banque de Francfort, à des contraintes juridiques et au risque d’une surveillance renforcée, relançant le débat sur souveraineté économique et coordination monétaire.

En septembre 2019, lors de l’une de ses premières interventions au Parlement européen, Jordan Bardella s’était distingué par une attaque virulente contre Christine Lagarde, qui s’apprêtait alors à prendre la présidence de la Banque centrale européenne (BCE).

Le jeune eurodéputé du Rassemblement national (RN) avait critiqué la future présidente de l’institution. Il s’était toutefois abstenu d’employer le terme « nullité », formulation qu’utilisera, en 2024, le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy.

De l’attaque politique à la proposition économique

Depuis ces invectives, la position de responsables du RN a évolué vers des propositions concrètes sur la gestion de la dette française. Jordan Bardella et d’autres parlementaires du même camp envisagent, en cas d’accession de leur formation au pouvoir, d’entamer un dialogue direct avec la BCE pour tenter de réduire le coût des emprunts publics.

Interrogé sur le sujet, M. Bardella a déclaré : « Pour faire baisser les taux d’intérêt (…) , je propose que nous ouvrions une discussion avec la Banque centrale européenne, qui a su par le passé racheter tout ou partie des dettes européennes. Je souhaite que la France puisse retrouver de la souplesse vis-à-vis de la Banque centrale européenne, que l’on puisse ouvrir cette discussion cartes sur table. »

Ce que signifie demander « une discussion » avec la BCE

La proposition consiste, selon ses promoteurs, à solliciter une intervention plus active de la BCE pour alléger le poids de la dette nationale. Il s’agit d’explorer la possibilité d’achats de titres publics ou d’autres mécanismes monétaires susceptibles d’abaisser les taux d’intérêt supportés par l’État.

Le passage cité par M. Bardella met en avant un précédent évoqué par ses partisans : la BCE a, à certaines périodes, procédé à des achats massifs d’actifs souverains dans le but de stabiliser les marchés et d’assouplir les conditions financières. Toutefois, la simple évocation de ces interventions ne garantit pas qu’une démarche comparable pourrait être appliquée à une demande nationale spécifique, ni qu’elle serait acceptée par l’institution.

Obstacles institutionnels et politiques

Plusieurs freins pèsent sur une telle initiative. D’une part, la Banque centrale européenne est une institution indépendante dont le mandat principal vise la stabilité des prix à l’échelle de la zone euro. Toute mesure de rachat de dette doit s’inscrire dans ce cadre et respecter des règles juridiques et prudentielles strictes.

D’autre part, le contexte politique et les premières réactions de l’institution de Francfort, évoquées par des observateurs et mentionnées dans les critiques adressées au projet, laissent présager que la manœuvre serait difficilement réalisable sans concessions importantes. L’original note qu’une telle politique n’a « que peu de chances d’aboutir, au vu des premières réactions de l’institution de Francfort, ou bien au prix d’une mise sous tutelle de la politique économique de la France. »

Cette formulation renvoie à l’idée selon laquelle, pour obtenir un appui monétaire conditionnel, un État pourrait devoir accepter une surveillance renforcée de sa politique budgétaire ou des contraintes préalables imposées par des institutions européennes ou internationales. Il s’agit d’une projection sur les conséquences possibles, et non d’une certitude automatique.

Incidence politique et périmètre du débat

La proposition formulée par des responsables du RN ouvre un débat public sur les rapports entre souveraineté économique nationale et coordination monétaire européenne. Elle met en lumière la tentation, pour certains acteurs politiques, d’utiliser des instruments de politique monétaire afin de régler des difficultés de financement publiques.

Mais la séparation des compétences, la dépendance économique des marchés et la légitimité institutionnelle de la BCE rendent cette voie complexe. La portée réelle d’une discussion « cartes sur table » dépendrait à la fois d’une volonté politique manifeste, de l’acceptation de l’institution monétaire et, potentiellement, d’un réexamen juridique et politique des conditions d’intervention.

En l’état, la proposition demeure une ligne politique du RN, susceptible d’alimenter le débat public et les échanges entre Paris et Francfort si elle venait à figurer dans un programme gouvernemental. Sa mise en œuvre effective exigerait, selon les documents et réactions évoqués, des arbitrages lourds et des garanties que les acteurs européens ne sont pas tenus d’accorder d’emblée.

Le sujet illustre plus largement la tension entre ambitions nationales en matière de relance ou de réduction de la charge de la dette et les impératifs institutionnels d’une union monétaire qui fonctionne sur des règles partagées et une indépendance affirmée de ses organes.

Parlons Politique

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