République tchèque : Andrej Babiš nommé Premier ministre — sa coalition populiste alarme Bruxelles et menace budget européen, politique migratoire et aide à l’Ukraine

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Andrej Babiš, 71 ans, a été nommé Premier ministre de la République tchèque après la victoire d’ANO; il a renoncé à Agrofert pour dissiper les risques de conflit d’intérêts. Sa coalition populiste (SPD, Motoristé sobě) inquiète Bruxelles et pourrait peser sur le budget européen, la politique migratoire et l’aide à l’Ukraine.

Andrej Babiš, âgé de 71 ans et classé septième fortune du pays selon Forbes, a été officiellement nommé Premier ministre de la République tchèque mardi 9 décembre. Son retour à la tête de l’exécutif intervient un peu plus de deux mois après la victoire de son mouvement aux élections législatives des 3 et 4 octobre 2025 et marque un réengagement du populisme en Europe centrale, après les succès récents de dirigeants comme Viktor Orbán en Hongrie ou Robert Fico en Slovaquie.

Une victoire électorale nette, mais contestée

Le mouvement ANO, souvent décrit comme le « Trump tchèque », a remporté 34,5 % des voix et 80 sièges sur 200 à la Chambre des députés lors du scrutin d’octobre. Malgré cette majorité relative, la formation s’est heurtée à des réserves persistantes au niveau de la présidence. Le chef de l’État, Petr Pavel, avait initialement refusé de nommer Babiš au poste de chef du gouvernement, réclamant des engagements tangibles pour prévenir tout conflit d’intérêts lié à ses activités privées.

Ce refus faisait écho à des épisodes passés: Babiš avait déjà échoué à conserver son fauteuil de Premier ministre quatre ans auparavant et subi une large défaite lors de l’élection présidentielle face à Petr Pavel il y a deux ans. Son retour est donc perçu comme un come-back politique majeur, obtenu malgré des oppositions internes et internationales sur ses liens économiques.

Renonciation à Agrofert et enjeux de conflit d’intérêts

Au cœur des controverses figure Agrofert, le groupe agroalimentaire fondé en 1993 et l’une des principales sociétés bénéficiaires des aides agricoles de la Politique agricole commune (PAC). Le refus initial du président Pavel s’appuyait sur le risque de conflit d’intérêts si Babiš demeurait lié à cette entreprise, un point déjà soulevé par la Commission européenne en 2021.

La semaine dernière, Andrej Babiš a annoncé avoir « tranché ». Dans une vidéo publiée sur le réseau social X, il déclare: « J’ai pris une décision que je n’aurais jamais pensé prendre. J’ai décidé de renoncer définitivement à Agrofert, l’entreprise que j’ai passé la moitié de ma vie à bâtir, que je ne posséderai plus jamais, avec laquelle je n’aurai plus aucun lien économique ni plus aucun contact. » Ce geste vise à dissiper les doutes et à lever l’obstacle constitutionnel opposé par le président.

Les observateurs notent toutefois que ce tournant pratique représente un virage idéologique par rapport à la posture politique de Babiš depuis son premier mandat (2017–2021), et qu’il a déjà entraîné des changements d’alliances au Parlement européen, où certains de ses députés ont quitté les groupes libéraux de Renew Europe pour rejoindre des formations plus nationalistes.

Une coalition à la tonalité populiste et les répercussions européennes

Le futur gouvernement sera composé d’éléments jugés à l’extrême droite du spectre politique tchèque. Il associera notamment le SPD (Liberté et démocratie directe), formation anti-UE et anti-OTAN, hostile à l’immigration et à toute aide militaire extérieure — y compris à l’Ukraine — et le mouvement Motoristé sobě (« Les automobilistes entre eux » en français), qui défend une ligne populiste axée sur la protection des automobilistes contre les objectifs climatiques européens.

Cette configuration soulève plusieurs enjeux pour Bruxelles. D’une part, Babiš et ses partenaires pourraient peser sur les négociations du prochain budget cadre pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2028–2034, un dossier dans lequel Prague siégera en tant que négociateur national. D’autre part, les trois formations au pouvoir partagent le rejet du Pacte européen sur la migration et l’asile, dont l’entrée en application est prévue en juin 2026. Lors de l’adoption du texte en mai 2024, Babiš avait qualifié la mesure de « plus grande trahison de l’histoire moderne de la République tchèque » et de « poison conduisant au suicide de l’Europe et de sa culture ».

Par ailleurs, la perspective de règles européennes visant l’abandon progressif des voitures thermiques — par exemple l’interdiction de vente des voitures neuves à moteur thermique prévue en 2035 — inquiète un pays où l’industrie automobile représente près de 10 % du PIB et environ 20 % des exportations.

Conséquences possibles pour l’aide à l’Ukraine

Le retour de Babiš et de ses alliés pourrait aussi affecter la politique de la République tchèque vis-à-vis de l’Ukraine. Rapporté à sa population, le pays a accueilli plus de réfugiés ukrainiens que n’importe quel autre État membre de l’UE: environ 350 000 personnes sont encore présentes dans un pays de 11 millions d’habitants. Le SPD et d’autres partenaires gouvernementaux ont déjà exprimé leur scepticisme, voire leur opposition, à la poursuite d’une aide militaire extérieure, ce qui pourrait peser sur les décisions prises au niveau européen et bilatéral.

À Bruxelles, plusieurs voix gardent désormais la République tchèque sous surveillance, estimant que la nouvelle majorité risque de remettre en cause certains engagements européens de long terme. Les prochains jours seront déterminants pour mesurer l’ampleur réelle des arbitrages que le nouveau gouvernement fera entre promesses nationales et obligations internationales.

Parlons Politique

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