Thierry Chopin : en Europe, fragmentation partisane et montée du populisme forment un cercle vicieux menaçant gouvernabilité et stabilité

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Thierry Chopin identifie deux dynamiques structurantes en Europe : la montée des populismes — plus de 30 % des sièges parlementaires aujourd’hui contre moins de 10 % il y a 25 ans — et une fragmentation partisane croissante entraînant des coalitions multipartites (gouvernements à 3+ partis passés de 30 % à 60 %). Ces évolutions fragilisent la stabilité gouvernementale, impactent la France malgré son régime majoritaire et posent la question de concilier représentativité et gouvernabilité au sein de l’Union européenne.

Thierry Chopin est politiste, professeur associé à Sorbonne Université et professeur invité au Collège d’Europe à Bruges (Belgique). Spécialiste des questions européennes, il a dirigé le rapport Une Europe pour aujourd’hui et pour demain. Souveraineté, solidarités, identité commune (La Documentation française, 2022), document cité ici comme point de départ de l’analyse.

Deux dynamiques politiques structurelles en Europe

Depuis le début des années 2000, deux tendances majeures remodèlent les configurations politiques au sein des États membres de l’Union européenne. La première est la montée des populismes, et en particulier de l’extrême droite, qui occupe désormais une part significative des sièges dans les parlements nationaux.

Selon l’analyse reprise dans le rapport dirigé par M. Chopin, les forces populistes détiennent aujourd’hui plus de 30 % des sièges dans les parlements nationaux des États membres de l’UE, contre moins de 10 % il y a vingt‑cinq ans. Ces chiffres montrent une mutation durable du paysage partisan européen et expliquent en partie l’évolution des choix politiques nationaux et communautaires.

La seconde dynamique est la fragmentation croissante de la scène partisane. À l’échelle des vingt‑cinq dernières années, le nombre de partis a augmenté dans 17 des 27 États membres de l’Union. Les rares pays où la fragmentation a reculé se situent principalement en Europe centrale, ainsi qu’en Italie, selon le même constat.

Conséquences sur la stabilité gouvernementale

Cette fragmentation a des effets concrets sur la gouvernance : elle multiplie les configurations de coalition et rend plus fréquente la formation de gouvernements composites. La part des gouvernements composés de trois partis ou plus est passée de 30 % à 60 % en l’espace de deux décennies, signalant une hausse de la complexité des majorités et une faiblesse accrue de la cohésion interne des exécutifs.

Un tel morcellement fragilise la capacité décisionnelle et augmente le risque de crises gouvernementales. Des coalitions hétérogènes, souvent construites autour de compromis ponctuels, offrent moins de garanties de longévité qu’une majorité mono‑partisane ou bipartite stable.

La France face à la double dynamique

La France n’a pas été épargnée par ces évolutions, malgré un mode de scrutin majoritaire qui, historiquement, favorisait la bipolarisation et la formation de majorités stables. Le modèle de la Ve République avait été conçu pour assurer la formation d’un exécutif capable de décider, en donnant au président la légitimité du suffrage universel direct et en facilitant la consolidation d’une majorité législative autour de lui.

Or, cette architecture institutionnelle a perdu une partie de son efficacité politique face aux nouvelles dynamiques partisanes. La stabilisation qui était longtemps la marque de fabrique du système français a été remise en question par la montée des forces populistes et la fragmentation croissante des partis.

Le résultat est une instabilité gouvernementale plus comparable à celle qui caractérisait par le passé des pays comme l’Espagne, l’Italie ou la Grèce. Ce phénomène n’est plus l’apanage exclusif des pays du sud de l’Europe, et la France illustre la diffusion de cette instabilité au cœur même des régimes à tradition majoritaire.

Enjeux et questionnements

Les transformations décrites posent plusieurs questions politiques et institutionnelles. Elles interrogent la capacité des dispositifs existants à produire des majorités durables, la manière de concilier représentativité et gouvernabilité, et les leviers possibles pour renforcer la cohésion nationale et européenne sans fragiliser la représentativité politique.

Le constat dressé par Thierry Chopin et repris ici met en lumière des tendances mesurables : une progression notable des forces populistes au sein des parlements nationaux, une multiplication des partis et une hausse du poids des coalitions multipartites au gouvernement. Ces éléments fournissent un cadre factuel pour réfléchir aux réformes institutionnelles et aux stratégies politiques à déployer face à une Europe politiquement recomposée.

Sans proposer de solutions partisanes, l’analyse souligne l’importance d’évaluer, au cas par cas, la résilience des systèmes politiques nationaux et la capacité de l’Union européenne à accompagner des États membres confrontés à des configurations gouvernementales plus fragmentées.

Parlons Politique

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