Un compromis européen à Bruxelles après des négociations prolongées
Mercredi 5 novembre, après vingt‑quatre heures de négociations intenses à Bruxelles, les 27 ministres de l’environnement de l’Union européenne ont conclu un accord sur des objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour 2035 et 2040.
Le plan climatique pour 2035, communiqué aux Nations unies dans le cadre de l’Accord de Paris, fixe une fourchette de réduction des émissions de l’UE comprise entre 66,25 % et 72,5 % par rapport aux niveaux de 1990. Il s’agit d’un objectif non contraignant, mais adopté à l’unanimité des 27 États membres lors du vote.
Objectifs 2040 et mécanismes de flexibilité
Pour 2040, la cible, proposée par la Commission européenne en juillet, prévoit une baisse d’environ 90 % des émissions. Toutefois, ce chiffre est assorti de plusieurs mécanismes de flexibilité qui ont été intégrés au texte lors des débats.
L’accord autorise notamment le recours à des « crédits carbone » internationaux. Cette externalisation, réclamée par certains États — dont la Pologne — permettrait de financer des projets de décarbonation hors d’Europe afin de compenser une partie des émissions de l’UE.
Par ailleurs, une clause de révision figure dans l’accord. Elle prévoit un examen des objectifs tous les deux ans, afin d’ajuster la trajectoire si nécessaire, en particulier si les puits de carbone (forêts, technologies de captation) s’avèrent moins efficaces que prévu en raison de la dégradation forestière ou d’incertitudes technologiques.
Aménagements obtenus par certains États
Varsovie a obtenu plusieurs concessions lors des négociations. D’abord, le report d’une mesure d’application d’un an, décalant son entrée de 2027 à 2028.
Ensuite, l’extension du marché carbone européen (ETS2) au transport routier et au chauffage des bâtiments a été confirmée, mais avec davantage de flexibilité pour certains pays. Le recours aux « crédits carbone internationaux » a été facilité, et la part autorisée de ces crédits dans l’atteinte des objectifs européens est passée, sous la pression de plusieurs pays dont la France, de 3 % à 5 %.
La Pologne, la Grèce et l’Italie ont réclamé une augmentation de ce quota à 10 %, demande qui n’a pas été retenue dans la version finale du compromis.
Réactions et contestations
L’accord adopté l’a été à la majorité qualifiée. Il n’a toutefois pas recueilli le soutien de la Hongrie, de la Slovaquie, de la République tchèque et de la Pologne, qui ont voté contre. La Bulgarie et la Belgique se sont abstenues.
Plusieurs organisations non gouvernementales environnementales ont critiqué les concessions obtenues par certains États et le recours élargi aux crédits carbone. Greenpeace a notamment rappelé que « le Conseil consultatif scientifique européen sur le changement climatique avait appelé à une réduction des émissions de 90 à 95 % d’ici 2040 », soulignant que l’objectif adopté risquait de négliger la baisse des émissions au niveau national et de favoriser des réductions externalisées vers d’autres pays.
Suite du processus législatif
L’accord du Conseil doit maintenant être confirmé par le Parlement européen, qui doit adopter sa position avant d’engager les négociations formelles avec le Conseil. Cette étape préalable est nécessaire à l’entrée en vigueur officielle des objectifs européens.
Les modalités techniques et les conditions précises d’utilisation des crédits carbone internationaux devront en outre être définies lors des prochains travaux législatifs, afin d’éviter des transferts d’émissions qui ne s’accompagnent pas de réductions effectives au niveau européen.
Points à suivre
Outre l’examen régulier tous les deux ans, plusieurs enjeux restent à clarifier : l’efficacité réelle des puits de carbone face aux risques de dégradation, les garanties de qualité pour les crédits carbone internationaux, et l’impact social et économique de l’extension de l’ETS2 aux transports et au chauffage.
La décision de mercredi marque une étape politique importante dix ans après l’adoption de l’Accord de Paris, mais elle ouvre aussi une période de négociations techniques et politiques qui pèsera sur l’ambition climatique réelle de l’Union européenne dans la prochaine décennie.





