Enjeu et calendrier
Les dirigeants des Vingt-Sept sont attendus à Bruxelles les 18 et 19 décembre pour un Conseil européen jugé décisif afin d’assurer le financement de l’effort ukrainien. Alors que l’aide américaine s’essouffle, les capitales doivent trouver une solution concrète pour empêcher que l’Ukraine ne manque de financements au cours de l’année prochaine, faute de quoi sa sécurité serait « largement menacée ».
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a adressé une lettre aux États membres le lundi 17 novembre. Dans ce document, elle avertit que l’alternative au plan proposé risquerait d’entraîner « un coûteux recours à l’emprunt, national ou européen ». Elle ajoute : « Il est désormais essentiel de parvenir rapidement à un engagement clair pour garantir que le financement nécessaire à l’Ukraine soit approuvé lors du prochain Conseil européen en décembre. »
Trois options de financement proposées
Pour répondre à l’urgence, la Commission européenne présente trois options. La première, soutenue notamment par l’Allemagne, repose sur l’utilisation d’avoirs russes gelés. Sur environ 210 milliards d’euros d’actifs russes bloqués en Europe, environ 185 milliards seraient détenus par Euroclear, à Bruxelles. La Commission suggère de mobiliser 140 milliards afin d’accorder à l’Ukraine un prêt équivalent, qui ne serait remboursé qu’en cas de versements au titre de réparations par la Russie.
Cette méthode, inédite, rencontre de fortes réticences. La Belgique, qui héberge la majorité de ces fonds, s’inquiète des risques juridiques et financiers. Le Premier ministre belge, Bart De Wever, réclame des garanties financières pour que l’Union et ses États ne supportent pas seuls d’éventuels contentieux pouvant conduire à la restitution des fonds à Moscou. La Belgique souligne par ailleurs qu’elle dispose d’un traité bilatéral d’investissement signé avec la Russie en 1989, ce qui rend la situation particulièrement délicate pour elle.
La deuxième option consiste en des dons directs des États membres, calculés selon la taille de leur PIB. Dans ce scénario, la Commission estime qu’un montant minimum de 90 milliards d’euros devra être réuni d’ici 2027. Cette option comporte deux conditions majeures : que la guerre se termine en 2026 et que les autres alliés de Kiev prennent en charge le reste du financement.
La troisième option prévoit un emprunt européen, qui aurait l’avantage de limiter l’impact direct sur les budgets nationaux. Mais la Commission avertit que les États membres devraient payer les intérêts de cet emprunt et fournir des garanties financières substantielles. Cette solution entraînerait donc un coût budgétaire supplémentaire pour les membres qui s’y engageraient.
Besoins estimés et contraintes temporelles
Selon les estimations du Fonds monétaire international citées dans la lettre adressée aux 27, les besoins de financement de l’Ukraine pour la période 2026–2027 atteindraient 135,7 milliards d’euros, dont 51,6 milliards en soutien militaire pour l’année 2026 seulement. Par ailleurs, l’Ukraine — qui a signé une lettre d’intention avec la France pour la livraison d’un arsenal militaire pouvant aller jusqu’à 100 Rafale — devra disposer de plus de 70 milliards d’euros (71,5 milliards) pour poursuivre son effort de guerre à l’horizon 2026.
La Commission prévient qu’en l’absence d’un soutien européen clair, l’Ukraine se retrouvera à court d’argent dès la fin du premier trimestre de l’année prochaine. Pour limiter ce risque, Bruxelles présente ces trois pistes de financement et demande un accord politique lors du Conseil des 18 et 19 décembre.
Obstacles politiques et compromis possibles
Outre les hésitations juridiques et financières, la proposition fondée sur les avoirs gelés suscite l’inquiétude de la Banque centrale européenne, qui redoute des effets potentiels sur les marchés financiers. De nombreux États membres se montrent donc réticents, tandis que d’autres craignent le coût direct d’un emprunt ou les garanties exigées.
Face à ces contraintes, un compromis court terme est envisagé : combiner des dons directs et un emprunt limité pour assurer une continuité des financements sans peser excessivement sur un seul pays. Cette approche mixte figure déjà parmi les suggestions évoquées dans la lettre adressée aux États membres.
Dans la période délicate qui précède le Conseil, la Belgique subit des pressions pour accepter l’option la moins onéreuse pour l’Union. Il reste toutefois incertain qu’elle se rallie à la solution proposée d’ici la réunion de décembre.
En l’état, les Vingt-Sept sont confrontés à un arbitrage difficile entre risques juridiques et financiers, coûts budgétaires et impératifs stratégiques. Le Conseil européen des 18 et 19 décembre devra trancher pour assurer la pérennité du soutien à l’Ukraine.





