Le gouverneur de la Banque de France a appelé lundi à un assainissement urgent des finances publiques et s’est déclaré favorable à « des mesures anti-optimisation fiscale sur les hauts patrimoines » dans le projet de budget 2026, alors que l’économie fait preuve d’une certaine résistance malgré l’incertitude politique.
Trois jours après la dégradation de la note de la dette française par l’agence Fitch, François Villeroy de Galhau, dans un entretien au Parisien, a pointé la nécessité de régler un problème budgétaire qu’il juge « aggravé » par la crise politique, afin de ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2029. « On ne peut plus attendre », a-t-il déclaré, dénonçant les querelles politiciennes.
Un effort partagé, majoritairement par la maîtrise des dépenses
Le gouverneur a défendu l’idée d’« un effort partagé » entre l’État, les collectivités locales et la Sécurité sociale. Selon lui, les trois quarts de cet effort doivent porter sur une stricte maîtrise des dépenses publiques, tandis qu’une part, « jusqu’à un quart de l’effort total », pourrait provenir de mesures fiscales ciblées et exceptionnelles.
Interrogé sur la taxe dite « Zucman » réclamée par les socialistes au nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu, M. Villeroy de Galhau a tempéré l’idée d’une solution fiscale miracle : « La vérité, c’est qu’il n’y a jamais d’impôt indolore, ni d’impôt magique qui rapporterait énormément en France alors qu’il ne s’applique pas chez nos concurrents ». Il a précisé que les mesures fiscales proposées devraient préserver les classes moyennes et les petites et moyennes entreprises et rester en place jusqu’au retour du déficit sous 3 % du PIB.
Pour illustrer son propos, il a cité l’exemple de « mesures anti-optimisation fiscale sur les hauts patrimoines » qu’il juge « justifiées » pour que l’effort de redressement soit « ressenti comme juste ». Il a par ailleurs estimé que le canevas budgétaire présenté en juillet par l’ex-Premier ministre François Bayrou « peut être amélioré ».
Prévisions économiques : croissance tenue mais perspectives modérées
Sur le plan macroéconomique, la Banque de France note une croissance résistante, pourtant ralentie par rapport à 2024 (+1,1%). Elle a relevé sa prévision pour 2025 à 0,7 %, contre 0,6 % précédemment, en expliquant que la performance du premier semestre, soutenue par des variations de stocks, devrait laisser place à un mouvement de déstockage suivi d’un « net rebond des exportations » dès le troisième trimestre.
Les perspectives pour 2026 et 2027 font l’objet d’une révision à la baisse de 0,1 point chacune : la croissance est désormais attendue à 0,9 % en 2026 et à 1,1 % en 2027. La Banque de France anticipe par ailleurs une reprise de l’investissement privé à partir de 2026 et un raffermissement progressif de la consommation des ménages, après une hausse estimée à 0,4 % en 2025, puis 1,0 % en 2026 et 1,1 % en 2027.
Sur l’inflation, l’institut relève une trajectoire contenue mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) : 1 % en 2025, puis 1,3 % en 2026 et 1,8 % en 2027. Le taux de chômage devrait rester proche de son niveau actuel, autour de 7,5 %.
La Banque de France signale aussi plusieurs facteurs externes pesant sur la compétitivité : un euro plus élevé, une demande externe moindre et un prix du pétrole à un niveau supérieur. Elle a remarqué que la hausse des droits de douane américains est partiellement atténuée par des exemptions pour certains secteurs, notamment l’aéronautique, ce qui « compense (…) les hausses additionnelles pour les autres biens », selon son analyse.
Budget et trajectoire des déficits : incertitudes autour des ambitions
Malgré les récents remous politiques, la Banque de France estime que la France est en mesure de réduire son déficit public à 5,4 % « cette année », après 5,8 % en 2024. En revanche, l’objectif de 4,6 % affiché par le précédent gouvernement paraît plus incertain : les consultations autour du budget pourraient conduire à un allègement de l’effort budgétaire initialement chiffré à 44 milliards d’euros, et cela sans qu’une croissance supplémentaire soit nécessairement au rendez‑vous.
Sur le plan politique, Sébastien Lecornu, troisième Premier ministre en un an, multiplie les consultations depuis sa nomination le 9 septembre pour préparer un budget et éviter de subir le même sort que ses prédécesseurs. Le projet de loi de finances devra être présenté au Parlement avant la mi-octobre afin de pouvoir être adopté avant la fin de l’année, alors qu’aucune formation gouvernementale définitive ne fait encore consensus.
Jeudi, l’Insee avait aussi relevé sa prévision annuelle de croissance à 0,8 %, tout en signalant un « singulier manque de confiance » des agents économiques, un point souligné par la Banque de France dans son actualisation des prévisions macroéconomiques.